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L’IMPAIR : Chapitre #1




J’ai commencé il y a quelques années à écrire mon histoire, notre histoire, celle de notre amour, celle de notre rencontre avec Aurore, celle qui a changé ma vie. Aujourd’hui, je la partage, pour que tous ceux et celles qui vivent des situations similaires, ou qui s’interrogent sur leur propre sexualité, qui se retrouvent confrontés aux questions, rejets, isolement de la société, de leurs familles, pour ceux qui m’ont souvent demandé comment notre histoire s’est construite, trouvent ici quelques réponses, un peu de courage et de l’amour.

Je vous partage quelque chose de très personnel, un récit, écrit au fur et à mesure des années, que j’ai appelé un jour “L’impair”. Car cela résumait ce que j’avais (et j’ai encore parfois) l’impression de commettre : un impair. Ce mot qui avait aussi du sens pour moi quand je devais me présenter seule aux réunions familiales pour cacher mon histoire, j’étais le nombre impair, alors que ma paire à moi existait bien dans mon coeur : Aurore.

Je vous partagerai régulièrement des chapitres de cette histoire ici. Partagez-moi vous aussi vos ressentis, ce que vous voulez que j’améliore dans l’écriture peut-être, dans le rythme de publication, vos questions…

Merci pour votre bienveillance et bonne lecture ❤

MC.

MC ET AURORE-17

Photo : Julie Ooana pour Le Nouvel Obs  – http://www.julieoona.com


 
 
 

L’IMPAIR

Il y a eu quelques garçons, et enfin lui, le grand amour que je n’attendais pas : Aurore. On dit de certaines rencontres qu’elles bouleversent votre vie. Jamais je n’aurais imaginé que la mienne puisse être à ce point transformée. Elle m’a réveillée, bousculée, sortie de cette route toute tracée dans un environnement bourgeois et catholique. Elle a aussi transformé la relation que j’avais avec ma famille, avec la société, mes amis, mon travail, et moi-même. Je suis chrétienne, bourgeoise et mariée avec une femme.

 



Je m’appelle Marie-Clémence. Je suis née il y a 30 ans dans une famille unie, aimante, plutôt aisée, une “bonne famille” comme on dit. Une éducation simple, chrétienne, au sein d’une fratrie de 4 enfants. Un papa, une maman. Mes parents sont issus de familles bourguignonnes, catholiques et bourgeoises. Ils se sont rencontrés jeunes, se sont mariés vite et se sont engagés dans une vie proche de celle de leurs parents, portée par leur foi.  J’ai été élevée avec une ligne directrice : l’amour. Chez nous, on est jamais méchants, on est des gentils, on ne juge pas les gens, on est jamais trop expressifs, toujours discrets, polis.

Tout était tellement tracé.

Je me souviens petite, m’installer dans la cuisine familiale avec tous les magazines de mobilier et décoration que je pouvais trouver, et passer des après-midis à programmer ma vie future. Je choisissais chaque meuble, dessinais le plan exact de l’architecture que je voulais pour ma maison, le tout pensé pour réussir une vie de famille parfaite comme je la désirais. J’annonçais d’ailleurs très vite à mes parents mon projet de vie : me marier avec un dentiste ! Argument avancé à ce moment-là : il gagne beaucoup d’argent, travaille beaucoup mais peut avoir son cabinet dans une annexe de la maison, donc être présent pour sa famille. J’imaginais un métier d’institutrice, trois enfants, deux garçons et une fille et une vie rangée, très rangée.

Je ne me suis jamais interrogée sur ma sexualité. Je pense que j’ai toujours pensé que l’on tombait amoureux d’une personne et pas d’un genre. Je n’ai fréquenté que des garçons, mais je ne me posais même pas la question de savoir ce qui m’attirait.

Après quelques amours furtifs et inintéressants d’adolescence, j’ai vécu une très jolie histoire d’amour avec un garçon, pendant 5 ans. Rencontré au lycée, je suis très vite tombée amoureuse de ce rêveur musicien d’une gentillesse et d’une douceur absolues. Je me projetais très bien avec lui dans une vie d’adulte comme je l’avais programmée. Il venait d’une famille catholique, plutôt classique, bourgeoise et me disait rêver d’une vie avec maison et enfants. Il dessinait avec moi le tableau parfait que j’avais imaginé tout en y ajoutant la musique, sa passion et son métier, comme booster d’amour.

 

En 2008, à 21 ans, je suis arrivée par hasard en stage dans une jeune société qui s’occupait du public des émissions de télévision. Au bout de quelques jours de stage, on m’a envoyée travailler sur un plateau télé (“L’édition spéciale” sur Canal + pour ceux qui ont connu !) en m’informant:  « Demain tu travailles avec Aurore, une blonde, tu verras, tu la retrouveras sur place. ».

Le lendemain, dans le métro en direction du boulot, j’ai remarqué une fille, blonde peroxydée aux cheveux très courts, casque audio sur les oreilles et doudoune, l’air  dur, perdue dans ses pensées et pas très souriante. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tout de suite su que c’était avec elle que j’avais rendez-vous, alors que nous avions encore plusieurs stations de train avant d’arriver et qu’elle aurait pu être n’importe qui. Intriguée par cette fille si … masculine, j’observais de loin.

Pas de coup de foudre immédiat, non. Nous avons travaillé ensemble toute la journée mais je n’ai pas beaucoup de souvenirs, on s’est bien entendues je crois. Aurore m’a raconté plus tard qu’elle voyait en moi juste une petite stagiaire de plus à former, jeune et coincée.

Puis les semaines ont passé. Nous nous voyions souvent, entourées de nos collègues, et nous avons formé petit à petit un groupe d’amis. On sortait ensemble le soir après le travail, souvent jusque très tard. On faisait la fête, on sortait dans des restaurants, des bars… Moi qui était plutôt de nature “coincée”, qui ne mettait quasiment jamais les pieds dans des restaurants, je découvrais une vie parisienne différente. Et j’ai vite pris goût à ces sorties, cet état d’ivresse, ces soirées qui n’en finissaient plus, à danser sans s’arrêter. J’étais heureuse. J’avais mes propres amis, je profitais de l’instant, je me sentais libre. Ce fut, je crois une des périodes les plus légères de ma vie. Je me lâchais enfin ! Je fréquentais des gens de tous horizons, souvent plus âgés que moi (Aurore et la plupart avaient bientôt 30 ans, j’en avais à peine 21), de toutes sexualités, toutes origines, et la vie avec eux était un ascenseur émotionnel.

Je continuais de fréquenter mes plus anciens amis, mon copain etc., mais ma vie est vite devenue comme “scindée” en deux. Petit à petit, je me suis créé deux existences.

La suite très vite…

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