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Adoption après une PMA : notre parcours


Hello !

Je suis enfin de retour sur le blog après des mois d’absence. Je sais… Vous connaissez les raisons de mon silence ici, c’était pour être plus présente ailleurs ! Je reprends du service car écrire commençait sérieusement à me manquer, mais aussi car j’ai reçu beaucoup de questions sur certains sujets qui méritent plus qu’un post Instagram/Facebook pour vous répondre.

La question de l’adoption pour notre fille Charlie est énormément revenue. C’est bien normal, j’étais la première à ne pas du tout savoir comment tout cela allait se passer.

Maintenant, je sais, et je peux enfin tout vous raconter.

Pour celles et ceux qui ont lu mon livre (“On ne choisit pas qui on aime” chez Flammarion), vous connaissez déjà certains éléments. En effet, lorsque nous avons entamé le protocole de PMA pour avoir un enfant, je pensais naïvement qu’étant mariées, il n’y aurait pas de procédure administrative pour qu’Aurore (puisque j’ai porté notre fille), soit reconnue légalement comme la mère de Charlie au même titre que moi. Les “Manifs pour Tous” s’étaient tellement acharnées sur le sujet de l’homoparentalité, qu’une fois la bataille du mariage gagnée, je croyais que celle de la reconnaissance des familles homoparentales serait évidente.

Le jour de notre mariage en 2015, le maire nous a remis un livret de famille. Moment bien plus symbolique pour moi que l’échange des alliances. Je me sentais fière et heureuse de pouvoir être reconnue avec Aurore comme un foyer.

Mais très peu de temps avant la naissance de Charlie, j’ai commencé à explorer le net et me renseigner pour savoir ce qu’il en serait pour notre fille. J’ai donc découvert que, malgré notre mariage et ce projet d’enfant commun, Aurore ne serait pas reconnue comme mère. Pas de droits. A quelques semaines du jour J, la panique m’a envahie. J’avais peur qu’il m’arrive quelque chose pendant l’accouchement et qu’Aurore ne soit “rien”. J’ai pensé à l’insécurité dans laquelle cette injustice nous plongeait. Et pour une durée indéterminée.

Nous avons compris que, pour que ma femme ait des droits équivalents aux miens, il fallait passer par une procédure d’adoption plénière.

Sur les conseils d’une amie avocate (sinon je pense que ça m’aurait pris des semaines à comprendre !), nous nous sommes rendues sur le site du service public pour télécharger un formulaire de demande d’adoption plénière (que vous pouvez télécharger ci-dessous) :

Un formulaire plutôt simple à remplir, si ce n’est le petit paragraphe à rédiger qui demande d’indiquer “les motifs qui justifient notre demande“. Difficile de justifier à un tribunal pourquoi on a voulu fonder une famille, pourquoi on veut qu’Aurore soit reconnue comme la mère de notre fille. Difficile (même pour moi) de mettre des mots sur l’évident. Nous avons donc expliqué en quelques lignes que nous étions mariées depuis plusieurs années, que ce protocole de PMA avait été décidé et fait à deux etc.

Pour déposer une demande plénière, il faut que le parent adoptant ait au minimum 6 mois de vie commune avec l’enfant. Nous devions donc attendre les 6 mois de notre fille pour pouvoir déposer un dossier au tribunal. Mais nous voulions prendre un maximum d’avance pour ne pas perdre de temps. Car pendant cette attente, encore une fois, notre famille n’était pas en sécurité et pas reconnue.

A la naissance de Charlie, Aurore s’est présentée à la mairie pour déclarer sa naissance en mon nom. Le sien n’apparaîtra nulle part. Le livret de famille nous est rendu sans le nom de notre fille inscrit. Il ne pourra pas l’être tant que l’adoption ne sera pas prononcée. Nous avions donc ce livret mais une page vierge pour notre enfant. Nous recevions des courriers à la maison indiquant : “mère : Marie-Clémence Bordet / père : inconnu”. Tout cela me rendait folle. Très souvent, on nous demandait de fournir un livret de famille pour des procédures administratives du quotidien. A chaque fois, nous devions expliquer que celui-ci n’indiquait par Charlie. Les gens ne comprenaient pas… La carte vitale ? Je pouvais ajouter notre fille sur la mienne, Aurore non. Passer une douane à l’aéroport lorsqu’on a voyagé ? Charlie dans mes bras, pas ceux d’Aurore.

Plusieurs documents justificatifs sont nécessaires pour compléter le dossier dont un consentement à l’adoption qui doit être fait chez un notaire. Pour gagner du temps donc, nous avons pris rendez-vous dès la naissance de Charlie chez notre notaire. Obtenir ce document fut long ! Rendez-vous seulement en septembre (j’ai appelé en juillet), réception du document en janvier, temps de rétractation à respecter en sus… bref, nous avions bien fait de nous y prendre au plus tôt car le dossier fut finalement complet juste pour ses 6 mois ! Le jour J, Aurore s’est rendue au tribunal de grande instance de Dax pour le déposer.

Nous n’avons eu aucune nouvelle (malgré quelques appels infructueux – je les ai un peu harcelés) jusqu’au 17 mai, où nous avons reçu un document nous informant que le dossier était passé en jugement “sans débat”. Quelle libération ce jour-là de recevoir ce courrier nous libérant de cette angoisse de fond permanente ! Aurore est donc légalement devenue la mère de Charlie ce jour-là. Nous savons que nous avons eu beaucoup de “chance”, car les témoignages que j’avais lus sur ce sujet indiquaient parfois des enquêtes, des procédures plus longues pouvant prendre 2 ans suivant les tribunaux. Nous nous étions donc préparées à l’éventualité de devoir se présenter au jugement ou devoir répondre à des questions. Mais cela m’irritait d’avance. Devoir expliquer à un juge pourquoi ma famille mérite d’être reconnue comme telle alors que des gens font des enfants tous les jours en France sans qu’on ne se soucie de l’avenir de ces petits dont certains vivent l’enfer.

Pour y croire, pour que tout cela soit concret pour moi, je voulais que notre livret de famille soit complet, avec Charlie. Nous avons donc dû attendre 4 mois supplémentaires à partir de ce fameux 17 mai 2019, à force de coups de fils quasi hebdomadaires au tribunal pour obtenir le droit de me présenter le 11 septembre 2019 à la mairie de Dax, mon fameux livret de famille, qui m’avait rendue si fière, en mains. Lorsque la responsable a complété le document, j’ai tenté de cacher mon émotion. Et lorsqu’elle m’a remis un acte de naissance indiquant : “mère et mère“, mon coeur s’est serré. Enfin nous y sommes arrivées. Sur l’acte figure seulement une mention “Transcription du dispositif du jugement d’adoption plénière rendu le 17 mai 2019 par le tribunal de Grande Instance de Dax.”

Puis en complétant le formulaire de demande de renouvellement de ses papiers d’identité (pour qu’elle porte nos deux noms), je suis restée dubitative devant les deux cases “père et mère” à remplir. J’ai barré “père”, et j’ai tendu le document à la responsable lui indiquant qu’il serait temps de se mettre à jour… Les choses changeront, je l’espère !

En bref, notre fille Charlie est née le 22 juillet 2018, et nous avons obtenu les papiers officiels le 11 septembre 2019. Plus d’un an pour la reconnaissance de l’évident. Le sujet est d’actualité, vous le savez, puisque les lois sur la bioéthique vont changer et ouvrir, je l’espère, le droit aux femmes homosexuelles de fonder une famille, et le tout en facilitant les démarches de filiation. Il le faut, car pendant tout ce temps d’attente, en cas de séparation, en cas de décès, Aurore n’aurait pas eu les mêmes droits que moi. Dans son coeur et dans notre quotidien elle est la mère de Charlie à part entière. Etrangement, je crois qu’Aurore n’a pas ressenti la même émotion que moi lorsque nous avons reçu les documents, car pour elle, c’était juste “normal” : elle est la mère de Charlie. Elle n’était pas inquiète de notre avenir à toutes les trois. Comme elle disait tout le temps : “Si il t’arrive quelque chose et qu’on veut m’enlever ma fille, je pars à l’autre bout du monde avec elle.” J’ai tout de même vu dans ses yeux une pointe de fierté lorsque je lui ai montré notre livret de famille 🙂 Pour moi, cette étape, comme toutes les autres dans notre vie, était nécessaire et je n’aurai pas lâché. Je ne supporte pas l’injustice.

J’espère avoir répondu à vos nombreuses questions sur le sujet de l’adoption ! N’hésitez pas à m’écrire en commentaires si je dois être plus précise !

Merci de m’avoir lue. Et merci pour ces derniers mois de folie autour du livre. Là dessus aussi, je dois vous écrire…

A très vite !

MC

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