Après cet épisode de déception et frustration intenses, j’essayais de me rebooster. J’étais totalement dépendante de cette relation (était-ce déjà une “relation” ?), et Aurore me relançait dès que je m’éloignais un peu. Si je me convainquais d’arrêter mon jeu de séduction à sens unique un matin, elle me donnait un regard dans la journée qui me suffisait à retomber dans mes travers. Je me sentais tellement belle dans son regard. Moi qui était incapable depuis l’enfance de me “déterminer” physiquement, de me “classer”, d’évaluer si j’étais belle ou laide, ou encore lambda, un regard de sa part et j’avais l’impression d’être “visible”. Ce mot est étrange, associé à ça, mais c’était mon sentiment. Comme si j’étais presque transparente depuis toujours, et qu’elle dessinait avec ses yeux chaque millimètre de mon visage, de mes traits, de mon corps. Voilà, elle donnait du corps à mon existence.
Je ne comprenais absolument pas où elle voulait aller, et je ne savais pas plus où moi je voulais aller. J’étais en couple, amoureuse, elle était une femme, nous n’avions rien à faire ensemble, tout cela n’avait aucun sens. Mais l’instinct vous fait faire des choses insensées… ou totalement nécessaires peut-être.
En février 2009, nous étions invitées toutes les deux à l’anniversaire d’un collègue et ami très proche, Silvère. Cette soirée était fantastique. Je me sentais belle, forte et désirée. Tout le monde était ivre, dansait, chantait. Aurore et moi étions proches, elle me faisait rire, tellement rire.
Tard dans la soirée, je ne trouvais plus Aurore. Je suis entrée dans la chambre de Silvère, qui était plongée dans le noir, et je l’ai trouvée, appuyée à son bureau. J’ai cru qu’elle était triste, qu’elle s’était isolée car elle avait un problème, j’ai fermé la porte et je me suis approchée d’elle. Je n’avais aucun objectif, je ne me disais rien. Je vivais à la seconde. Et à cette seconde-là, j’étais seule, en face d’elle, dans le silence.
Elle s’est approchée de moi, très lentement, m’a serrée dans ses bras, très lentement, et a embrassé mon cou, très lentement, jusqu’à remonter petit à petit. Je frissonnais, je tremblais. Dans ce silence qui a semblé duré de longues minutes, je l’ai doucement repoussée avant qu’elle n’atteigne ma bouche.
– “Non Aurore, je ne suis pas celle qu’il te faut. Tu te trompes, ça ne peut pas être moi.”
Et je suis partie. J’ai pris mes affaires, et je suis rentrée chez moi.
Cette situation n’était-elle pas absurde ? A quoi est-ce que je jouais ?? Absurde ! Cela n’avait aucune sens, aucune logique ! Bien évidemment mon âme entière rêvait d’être avec elle, mais impossible de connecter ces sentiments à la réalité.
Je jouais à un jeu depuis des semaines et j’avais joué avec elle. Comme si je voulais juste voir si vraiment elle avait envie d’être avec moi. Je voulais juste en avoir la confirmation. Et elle me l’avait donnée à cet instant. Et comme si pour moi le jeu s’arrêtait là, j’étais partie. Cela devenait cruel.
Impossible de comprendre qu’en fait je tombais amoureuse.
Je rentrais à l’aube chez moi, et repartais tout de suite chez mes parents pour le weekend. J’étais totalement bouleversée. Obsédée à chaque seconde par son image, je me passais en boucle ces quelques instants passés dans le noir avec elle. Le ventre déchiré par l’envie furieuse d’avoir un signe de sa part. Savoir où elle est, comment elle va, ce qu’elle ressent. Je pensais qu’elle devait m’en vouloir terriblement, se sentir humiliée par ce rejet, alors que j’avais ma part de responsabilité.
Alors que je me noyais dans ce flot de pensées dans le train, je reçus un SMS. Mon coeur s’arrêta. C’est elle. Elle ne me déteste pas.
« Je n’aime pas te savoir loin de moi. »
Mon Dieu, moi non plus je ne supportais pas.
Le weekend passa. Je me tordais le ventre à penser à elle. Rentrée à Paris, je cherchais à la recontacter. Je voulais lui parler. Mais elle faisait la morte. Elle disparut. Elle ne répondait pas à mes messages, mes appels en boucle, elle avait même supprimé son profil Facebook. Impossible de la contacter. Personne n’avait de nouvelles depuis 3 jours. Et je me rendais malade. Malade. Malade. Tout partait en vrille. Nous étions jusqu’ici sur des non-dits, c’était un jeu. Mais c’était terminé.
Au bout de cette interminable attente, un soir, alors que j’étais couchée, à me demander pourquoi elle me rejetait, je reçu enfin une réponse. Elle me proposait de la retrouver dans un café, à Gare du Nord. Il était près de minuit, j’étais au lit. En quelques minutes, je me suis douchée, habillée comme jamais, maquillée et je partais à l’autre bout de Paris la retrouver.
C’était un soir de match de rugby, et Aurore était à une table, dans un bar, avec une bière, à regarder ce match sur un écran, seule. Je me suis assise en face d’elle, le cœur sur le point d’exploser. Nous nous sommes regardées longuement sans rien dire.
– « Qu’est-ce que tu veux ? » me demande-t-elle.
– « Que tu m’embrasses. »
Elle rit.
– « T’embrasser ?»
– « Oui. Juste un baiser. »
– « Un seul ? »
– « Oui. Je veux juste que tu m’embrasses, une fois. »
– « Tu sais, baby girl, moi, on ne m’embrasse pas une seule fois. Si je t’embrasse maintenant, je t’embrasserai toujours. »
Mon Dieu, j’implosais. Et je ne comprenais pas. C’est incroyable, mais je ne comprenais pas. Je trouvais cela absurde qu’elle me refuse un baiser, elle qui avait cherché à m’embrasser quelques jours avant. J’étais, à cet instant, persuadée qu’un seul baiser suffirait à calmer ce mal de ventre et ce désir. Qu’il fallait aller au bout de ça pour que tout reprenne son cours normal. J’avais 20 ans, j’étais naïve et je ne comprenais pas ce qu’elle venait de me dire, qui était pourtant essentiel. Elle était en fait en train de construire des bases solides à notre histoire.
La suite à venir 🙂
Merci de me lire, merci pour vos mots à chaque nouveau chapitre, c’est un plaisir d’avoir vos retours, vraiment.
MC
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