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L’IMPAIR : Chapitre #17

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2014.

Aurore et moi étions ensemble depuis cinq ans. Cinq ans d’amour fou, cinq ans où je ne m’étais jamais autant sentie vivante. Les années passaient et nous étions toujours plus amoureuses. Je découvrais ce qu’était l’Amour, le grand, le vif. Chaque minute où nous étions séparées était toujours aussi compliquée à gérer. Elle me manquait la journée, je fondais dans ses bras en rentrant le soir.

J’avais démarré un nouveau travail, et je peinais encore une fois à m’intégrer auprès de mes collègues. Parce que je suis de nature réservée, ce qui peut être perçu comme de la froideur, mais aussi et surtout car je refusais toutes les invitations à boire un verre après la journée de travail, tant je n’avais qu’une hâte : retrouver mon Amoureuse. C’était dommage peut-être, mais les moments sans elle n’avaient pas d’intérêt pour moi. Je ne me sentais exister que quand elle me portait par son regard. Elle savait me mettre en valeur en société, elle savait me donner confiance, et je ressentais une fierté brûlante de l’avoir à mes côtés.

Nous vivions ensemble, nous étions pacsées, propriétaires et je rêvais maintenant de mariage.

Encore une fois, si tout avait été fait pour m’éloigner de mes désirs de petite fille, je ne renonçais pas à cette envie. Aurore, elle n’en ressentait pas du tout le besoin. Le modèle familial dans lequel on grandit est déterminant, et si, de mon côté, j’avais vu le mariage réussi et heureux de mes parents, Aurore, elle, n’avait pas été entourée de couples mariés et prospères. Au contraire, J’essayais donc de la convaincre. Je voulais célébrer notre amour. Je voulais relever le défi de nos familles réunies. Je voyais ce mariage comme la ligne d’arrivée après cette course chargée d’obstacles. Je voulais courir avec elle et gagner.

Aurore ne voyait pas beaucoup d’intérêt à tout cela. Elle avait assisté à plusieurs mariages dans ma famille, et ne rêvait pas du tout de ces grandes cérémonies avec deux cents invités, très cadrées, très sages. Elle ne comprenait pas mon envie de célébrer notre amour. Elle qui aimait être discrète, cela ressemblait pour elle à une énorme mise en scène, et elle ne pensait pas que cela changerait quelque chose dans notre histoire. Je la menaçais parfois en plaisantant de lui faire une demande, elle me faisait promettre de ne jamais la faire.

Alors je patientais et j’espérais.

En mars 2014, pour fêter nos cinq ans, nous avons organisé un voyage à New York. Nous rêvions toutes les deux de cette ville. Si nous n’abordions plus le sujet du mariage car je connaissais sa position, je priais de tout mon coeur pour qu’elle y fasse sa demande. Tout était réuni là-bas pour des fiançailles romantiques. Aurore était la spécialiste depuis notre rencontre pour me couvrir d’attentions : fleurs, restaurants… J’imaginais donc quelque chose de grandiose, sur un rooftop New-Yorkais, toutes les deux très bien habillées, avec la lumière de la ville pour nous éclairer.

Evidemment, cela ne s’est pas passé comme ça.

Le séjour se passait à merveille, nous découvrions et tombions amoureuses de la ville. Notre date anniversaire approchait, et je trépignais d’impatience. Le 27 mars était le grand jour, et je me préparais à cette demande romantique tant imaginée.

Le jour J, voulant mieux préparer la journée (et glaner quelques informations), je tannais Aurore :

“Où va-t-on dîner ce soir pour notre anniversaire ?”

Silence (très) gêné d’Aurore.

“Ah. Tu pensais que j’avais réservé un restaurant ?”

“Oui, c’est nos cinq ans aujourd’hui, il faut qu’on fête ça !”

“Mais on est à New York, on fête ça tous les jours en étant ici, c’est le but du voyage, non ?”

Et je voyais dans ses yeux qu’elle ne plaisantait pas. Elle n’avait rien réservé. Et moi, je me retrouvais stupide, là, avec mes espoirs secrets qui s’envolaient. Non, elle n’avait pas l’intention de me demander en mariage ici, ni ailleurs. J’avais tout imaginé dans les moindre détails et rien ne se passait comme prévu. Je me sentais tellement ridicule, et surtout je ne pouvais pas partager cette déception avec elle, ce serait humiliant ! Alors j’encaissais en silence.

Tellement en silence que je ne décrochais plus un mot de la journée. Je lui en voulais je crois. Je me sentais comme la petite fille à qui on refuse un de ses désirs les plus forts. J’étais tellement déçue, mais surtout vexée. Moi qui avait même parlé de ça avec mes collègues, qu’est-ce que j’allais pouvoir leur dire à mon retour ? “Non, finalement, pas de demande en mariage !”. J’avais honte.

Aurore tenta toute la journée de savoir ce qui me tracassait. Elle ne comprenait pas que le fait de ne pas avoir réservé un restaurant me plonge autant dans mes pensées. Et je ne pouvais rien lui dire, j’étais trop gênée. Nous avons marché toute la journée à travers la ville, traversé le pont de Brooklyn où je boudais comme une petite fille.

J’avais le sentiment que si la demande n’avait pas lieu ce jour, pour notre anniversaire, elle n’aurait jamais lieu.

Le lendemain, après cette journée ratée où je n’avais mis aucune énergie, nous reprenions notre visite de la ville. J’avais essayé toute la nuit de me raisonner. C’était stupide, cela ressemblait à un caprice, mais je n’arrivais pas à faire une croix sur mon désir de mariage. J’avais toujours pensé qu’elle changerait d’avis, et je réalisais que peut-être que cela n’arriverait jamais.

Perdue dans mes pensées, je suivais Aurore à travers la ville, sous un vent glacial. Je suis une grande fan de la série “Sex and the City”, et elle avait repéré les lieux cultes de la série. Elle me proposait donc de m’arrêter à la boutique Tiffany & Co sur la Cinquième Avenue. Elle remuait le couteau dans la plaie ! M’emmener dans le magasin mythique où Charlotte, de la série, avait reçu sa bague de fiançailles ! Et je ne pouvais rien dire évidemment, car elle ignorait tout le film que j’avais si bien réalisé dans ma petite tête.

Alors que nous étions en train de flâner dans l’immense boutique, à regarder les plus beaux diamants, Aurore me proposa de visiter les autres étages. Nous primes l’ascenseur avec groom.

“Quel étage souhaitez-vous ?” demanda-t-il.

“Engagement rings.”, répondit-elle.

Mon coeur s’accélérait petit à petit.

Arrivées dans ce sublime espace où les plus belles bagues de fiançailles étaient exposées, Aurore me laissa un instant, et à l’écart.

“Viens t’assoir ici.” me dit-elle.

Je me retournais, et je vis une vendeuse, me montrant un fauteuil et une petite table, où se trouvaient trois bagues, trois solitaires magnifiques.

“Viens t’assoir.”

Je tremblais.

Je me suis assise.

“Laquelle te plaît le plus ?”

Totalement perdue, comprenant sans réaliser ce qui se passait, je désignais une des bagues.

Aurore la prit dans son écrin et me regarda longuement dans les yeux, tremblante.

“Je ne suis pas douée pour les discours, pas douée pour les grandes phrases. Mais je voulais savoir, mon Amoureuse, si tu voudrais passer le reste de ta vie avec moi.”

Je ne sais pas quelle touche utiliser sur mon clavier pour marquer cet instant. Quel mot choisir pour exprimer ce que j’ai ressenti à cette seconde. Cette petite chose, ce petit être qui représentait tout pour moi, dans sa plus grande fragilité, venait de sauter dans le vide devant moi. Je ressentais dans son regard la peur de l’inconnu, la peur des préjugés, la peur des grands mariages “m’as-tu vu”, la peur de faire quelque chose qu’on ne lui a pas appris à aimer et désirer dans son enfance. Elle sautait le pas, là, pour moi, pour nous. Si par le passé, j’avais dû affronter mes peurs à plusieurs reprises par amour, aller vers l’exact opposé de ce qu’on m’avait appris dans l’enfance, c’était son tour à elle de s’engager auprès de moi et de me faire confiance. Nous allions nous marier, elle n’en n’avait jamais eu envie. Mais elle me suivait.

Encore une fois, comme depuis ces cinq dernières années, Aurore était là où je ne l’attendais pas et les choses ne s’étaient pas passées comme prévu.

En réalité, elle avait projeté de faire sa demande sur le pont de Brooklyn, la veille, le jour de notre anniversaire. Elle avait acheté une “fausse bague” en toc à Paris pour la demande en mariage et souhaitait que nous choisissions le modèle définitif ensemble chez Tiffany ensuite. Mais voyant que je boudais depuis le matin, traînant des pieds pour la suivre à travers la ville sans vouloir lui dire ce qui me tracassait, elle avait abandonné l’idée lors de la traversée du pont, se disant qu’il serait préférable que je sois de bonne humeur pour la demande ! Elle avait donc improvisé le lendemain.

Cette demande en mariage n’était donc pas celle que j’avais imaginée, en robe de soirée sur un toit New-Yorkais, mais elle était bien plus belle. Nous étions toutes les deux, là, assises à cette petite table dans une des plus belles boutiques du monde, avec nos bonnets, nos écharpes, nos gros manteaux. Je n’étais pas belle, pas maquillée, le nez rougis par le froid.

Nous sommes sorties dans la rue, j’étais ivre de bonheur, littéralement. Nous avons marché dans Central Park, toutes les deux. Nous avons même croisé Lady Gaga sortant de son hôtel, à qui Aurore a crié, brandissant ma main : “She said Yes !”.

Evidemment que c’était oui. Evidemment. J’allais me marier. Marie-Clémence, la petite Marie-Clémence, allait se marier à une femme. Mon Dieu. Que la vie est bouleversante.

Le soir même, couchée contre la femme de ma vie, je repensais à cette phrase qui me suivait depuis le jour de notre rencontre :

“L’Homme prévoit, Dieu rit.”

Il avait dû bien rire, le bon Dieu, de penser à ce à quoi je me croyais destinée, tout en me regardant la main tendue vers Lady Gaga en embrassant ma future femme.

Je riais intérieurement.

Puis soudain je réalisais.

Il y avait à cet instant deux personnes à l’autre bout du monde, qui allaient moins rire dans les prochains jours.

Mes parents.

 

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Le jour de la demande en mariage, à Central Park…


J’attends vos retours !

Merci de me lire, de me suivre, de m’écrire ❤

MC

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